Can't you see you belong to me - Adam Cunningham

T'aurais pu être intelligent Adam, t'aurais pu faire la fierté de tes parents, mais t'es bien trop flemmard pour ça. Non pas que t'aies l'envie de rien, juste tu t'es toujours contenté de ce que les autres appellent le "minimum syndical" histoire de t'en sortir, sans plus. Ca t'es resté, ça te convient, pourquoi te fatiguer alors que tout fonctionne sans trop d'efforts.

T'aurais aimé jouer de la guitare, mais apprendre ça t'emmerdait. T'aurais aimé chanter, mais ta voix a jamais été d'accord avec ça. T'aurais aimé savoir dessiner ou peindre, mais t'es pas vraiment doué de tes mains quand il s'agit de faire des trucs beaux. Mais bon, vu que t'aimes créer, tu t'es mis à bricoler, tu bidouilles, tu démontes des machins pour les remonter autrement et en fabriquer d'autres plus ou moins utiles.

Ça prouve bien que t'es pas complètement stupide, c'est juste plus simple de passer pour un abruti par moments, mais s'il le faut tu sais l'utiliser ta cervelle. Y a même un truc pour lequel tu rechignes pas à la tâche ; parce que t'es protecteur, une vrai mère poule même, tu ferais tout et n'importe quoi pour protéger ton précieux petit frère, surtout n'importe quoi en fait.

Faire n'importe quoi tu maîtrises, ça t'amuserais même presque, dans un sens c'est bien, t'es pas difficile à vivre, t'es parfois un peu lourd mais bon, au moins t'as le sourire. Bon évidemment, ça t'arrive aussi de faire la gueule, t'es humain, et dans ce cas là, suffit d'attendre que ça passe. Y a bien un remède miracle pour te redonner la pêche mais c'est un secret que tu partages uniquement avec ton petit frère. Dit comme ça, ça peut avoir l'air bizarre, ça l'est même sûrement, qu'à ton âge et au sien il ait autant d'importance pour toi celui-là.

Ah ! Ouai, tes sales côtés : t'es pas du matin, et le matin ça peut durer jusqu'à tard suivant ce que t'as fait de ta nuit. Quand t'es comme ça, te faut ta dose de caféine, pas énorme et noyée dans le lait et dans le sucre, mais t'as besoin de cette connerie pour te remettre le cerveau à l'endroit. T'es cool comme gars, détendu, mais derrière tes airs d'abruti on oublie souvent que t'es pas vraiment con, et puis, quand y a besoin, tu peux être une putain d'enflure, un connard sans scrupule, mais pas devant ton frère, jamais.

Parce que tu l'aimes ton frère, un peu trop d'après certains, mais ce qu'ils racontent tu t'en fous. Ils disent qu'il te ressemble, c'est sûrement vrai, mais tu ferais n'importe quoi pour pas qu'il devienne comme toi. Parce que toi, derrière ton joli sourire, au final t'en as fait des conneries et ton joyau d'innocence de frangin, t'as pas envie de le voir souillé par la vie.
Tu serais capable de tout pour le protéger... T'es pas quelqu'un de violent, tu préfères même éviter de l'être, c'est fatiguant, mais pour lui tu pourrais facilement le devenir.

Tu t'crois grand, tu t'crois fort, mais tout compte fait t'es un mec normal, à peine au dessus de la moyenne. Du haut de ton mètre soixante-quinze tu dois lever les yeux face à certains. T'es pas un poids plume, mais tu fais rien pour vraiment te muscler alors bon, par rapport à certains t'as un corps de rêve mais faut pas déconner, t'es pas une gravure de mode non plus, et puis en combat tu te ferais éclater par beaucoup... Mais bon, tu l'aimes bien ton corps, et puis t'es sûrement pas l'seul alors ça fait plaisir et tu fais bien quelques efforts pour le maintenir en bon état, mais pas trop non plus parce que ça deviendrait chiant.

Donc, t'es propre sur toi, tu t'coiffes, ou pas ça dépend. Faut dire que si tu fais pas un truc avec les poils que t'as sur le crâne, tu ressembles pas à grand chose... Alors tu leur fous du gel et tu passes tes mains dedans, et puis c'est bien suffisant. Ca dégage la vue sur tes yeux et ça c'est cool parce que t'as de beaux yeux, ils pétillent quand tu souris, et quand tu ris et qu'ils se rouvrent, embués et heureux, t'aurais presque quelque chose de sexy. Un peu comme avec ton sourire, tantôt enfantin, tantôt félin. Tes lèvres elles sont douces, fines et d'un rose pâle séduisant. Mais ouais, elles sont pâles, d'ailleurs t'es pâle tout entier ; ta peau est pâle, presque blanche sans te donner l'ai malade, tes cheveux sont pâles, de ce blond clair du Nord ou de l'Est. Finalement t'es tout le contraire de ce que t'as l'air avec tes tons de fantôme et tes fringues banales.

Parce que ouais, t'as pas grand chose d'original en apparence avec ton style d'ado attardé comme dit ta mère. Tu pourrais même presque te fondre dans la masse des étudiants avec tes T-shirts, tes jeans, et tes baskets défoncées. Mais étrangement tu sais te fringuer pour te mettre à ton avantage les quelques fois où tu sors ; enfin, le plus étonnant c'est que ta garde-robe contienne des trucs comme des chemises... Mais bon, ça sert à rien de se mentir, tu sais que t'es loin d'être dégueux, alors de temps en temps tu sais quand même te mettre en valeur.

T'es né dans une famille normale, t'as grandi, enfant-roi jusqu'à tes quatre ans. T'avais déjà bien pris tes habitudes quand il a débarqué. Ta mère elle avait un grand sourire quand elle t'as annoncé "tu vas avoir un petit frère". Ça a bien changé tes habitudes de voir ce morveux braillard débarquer dans ta vie, et on peut pas vraiment dire que t'aies apprécié ça. On t'écoutait plus quand tu criais, on te regardait plus quand tu faisais quelque chose. Et toi, dans ta p'tite tête de gamin débile, tu t'es mis à le détester ce petit frère dont on t'avais tant fait croire que la venue serait la plus belle chose au monde. Et ça a bien duré jusqu'à tes dix ans, jusqu'à ce que tu comprennes ce que tes parents voyaient d'aussi merveilleux dans cette créature qui avait ruiné ton confort de petit prince.

Il était comme toi, mais pourtant si différent, meilleur sur tellement de points, si doux, si pur, si brillant, si intelligent mais pourtant si fragile. A douze ans t'as cassé ta première gueule, t'étais dans un sale état quand t'es rentré, mais ton frangin avait pu garder son goûter, et il fallait voir l'état de l'autre gamin. T'es pas violent non, t'es même pas pour la violence comme une solution, chez toi ça a toujours été une conséquence : faut pas toucher à ton petit frère chéri. Tu te contrôles mieux qu'à tes quinze ans mais tu veux même pas imaginer quand il te présentera sa première copine, ou pire, son premier copain. Tu te sens pas de laisser qui que ce soit tenir ce bel éclat de soleil.

T'as tellement passé de temps à le couver, à le protéger de tout et de n'importe quoi, des autres et de leurs désirs que tu vois comme en quatre par trois, que t'as un peu oublié de vivre pour toi à un moment. T'as oublié de faire de ton mieux en cours aussi mais ça c'est pas de sa faute. Des fois ça serait à se demander si tu fais pas tout ça juste pour faire pleurer ta mère.

T'as fini par avoir dix-huit ans et t'as eu un déclic, fallait que tu bouges ; t'en pouvais plus de rester dans ton bled paumé. Deux ans plus tard, t'étais dans un vieux tacot avec des potes, sur les routes  pour découvrir un peu de ton île natale. Ça a duré quelques mois, pioncer dans la bagnole, de temps en temps à l'hôtel ou chez l'habitant histoire d'avoir un peu de confort. C'était génial, t'avais même réussi à oublier ton frangin. Mais bon, ce genre de vie, ça pouvait pas durer longtemps, et c'est à cause de toi que ça s'est fini pour vous. Sur un simple appel : "Ton frère a eu un accident". Le soir même vous rentriez, pas comme si tes potes avaient vraiment eu le choix, vu la crise que tu leur as faite.

T'étais loin d'être guéri de cette relation pas nette que t'avais créée. Finalement t'aurais dû t'y attendre, ta mère et son instinct à la con ; un accident, il s'était juste pété un bras en faisant le con à vélo. T'avais ri, t'avais pleuré, tes nerfs lâchant après ces heures de route, enfermé comme un con dans la bagnole à les faire rouler à fond pour un putain de bras cassé. Finalement tu t'es rendu compte que t'étais damné, condamné à suivre ton petit frère pour avoir la paix et pas avoir à traverser la moitié du pays ou du monde pour rejoindre ce petit être fragile.

T'as arrêté tes études comme un con, de toute manière c'était trop chiant pour toi. T'as réglé a vie par rapport à la sienne et quand ce petit génie a obtenu sa bourse pour Liberum, tu l'as suivi. Pas compliqué de trouver un moyen de garder un œil sur lui, t'as postulé pour devenir pion, de toute manière sans thunes et avec ton parcours scolaire c'était une des seules possibilités. A côté de ça t'as passé ton permis, t'as un autre petit boulot en ville, dans un bar, pour arrondir tes fins de mois, tu serais presque un adulte responsable si tu cherchais pas à passer tout ton temps libre à surveiller ton frangin et lui éviter de mauvaises rencontres. T'es un malade en fait à fliquer sa vie ou au moins à essayer, et le pire c'est que tu le sais, mais t'y peux rien, tu l'aimes, tu l'aimes même sûrement trop.